1. Pourquoi cet engagement de la Fondation Barbier Mueller « pour témoigner des peuples oubliés » ?

Nous nous sommes appuyés sur la célèbre citation d’Amadou Hampaté Bâ : « En Afrique, quand un vieux meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ».

La Fondation culturelle Musée Barbier-Mueller, instituée avec le soutien financier de la manufacture horlogère Vacheron Constantin, octroie des bourses à de jeunes chercheurs ou des chercheurs confirmés pour mener des missions d'observations anthropologiques auprès de peuples dont les traditions sont menacées. Elle finance ensuite la publication du résultat de leurs recherches.

Les groupes ethniques les plus connus ont été sérieusement étudiés par les anthropologues depuis déjà bien longtemps. En revanche, ceux dont le nombre d’individus est peu important ont été jusqu’à maintenant négligés alors qu’ils possèdent une forte identité individuelle : une culture, une mythologie, des traditions propres, etc...

En l’absence de système d’écriture, ces cultures risquent de tomber dans l’oubli sans laisser de traces. C’est donc toute une partie de l’humanité qui tend à disparaître : une perte incalculable !

2. Comment s’est porté le choix de la Fondation vers l’exemple de Kiribati ?

Guigone Camus, doctorante à l’EHESS, a attiré notre attention sur l’urgence de la recherche en raison de la situation environnementale. En effet, ces atolls et leur patrimoine sont fortement menacés par la montée des eaux qui se profile à un horizon assez proche.

Guigone nous a alors soumis son projet d’étude historique et ethnographique sur l’île de Tabiteuea (Kiribati) afin de rendre plus visible l’importance du patrimoine oral dans la définition que les Gilbertais donnent de leur identité et de leur culture.

Le Comité scientifique de la Fondation a immédiatement accepté de financer cette mission auprès de ce peuple dont la culture est en danger. Après plusieurs mois de travail sur le terrain, le fruit des recherches de Guigone Camus vient d’être publié.

3. Peut -on dire que la migration est une des facettes de la diversité culturelle ?

Une chose est certaine, nous sommes en train de connaître de grandes transformations en raison de la mondialisation, des problèmes démographiques et du vieillissement des sociétés occidentales et de la pénurie de main d’œuvre qui s’expriment en particulier dans les mouvements migratoires. Ce qui me semble certain c’est que la société est de plus en plus hétérogène et que la multiculturalité est une chance et une force pour l’humanité. Ouvrir sa culture à l’« autre » est un enrichissement indéniable et réciproque.

C’est ce à quoi les deux institutions Barbier-Mueller s’emploient :

- Le Musée, dont la vocation depuis 37 ans est de conserver, d’étudier, d’exposer et de publier, donc de faire connaître des collections d’art « non-européens ».
- La Fondation culturelle, créée en 2010, a quant à elle a pour but d’envoyer des chercheurs sur le terrain pour témoigner de cultures menacées d’extinction avant qu’il ne soit trop tard. En effet, s’agissant d’une tradition orale et devant la désaffection des jeunes pour leur héritage culturel (mythes de création, l’histoire de leurs divinités, etc.) tout un patrimoine est en train de se perdre de manière irrémédiable.

4. La mobilité fait partie de la tradition de vie des petits états insulaires, peut-on  penser la migration aussi comme une possibilité de transmettre et de réinventer des cultures au lieu de la voir comme un facteur de disparition culturelle?

Cela peut être le cas mais la vocation du musée Barbier-Mueller et de la Fondation culturelle musée Barbier-Mueller est avant tout de faire connaître les arts et les cultures de peuples sans écriture par le biais d’expositions et de publications.

Nous avons un devoir de transmission !

Je préciserai que la Fondation culturelle est la seule institution au monde ayant mis sur pied un tel programme systématique visant les cultures menacées.

5. Quels nouveaux projets sont en cours de développement ou seront soutenus par la Fondation ayant attrait aux peuples oubliés et aux questions de mobilité des populations et communautés?

Cette année encore, nous allons publier deux monographies. La première est consacrée aux Nazé de Lijiazui en Chine dans la région du Yunnan. Les recherches ont été réalisées par une jeune doctorante Pascale-Marie Milan, La seconde concerne un peuple appelé Bati Kelusi dont il ne reste sur place plus qu’une quinzaine d’individus isolés dans les montagnes de l’île de Seram en Indonésie. Stéphane Barelli, vient d’effectuer son enquête et son livre devrait voir le jour d’ici la fin de l’année.

Les Jiye du Soudan et les Altaïens de Sibérie seront mis à l’honneur en 2015.

Nous encourageons vivement les étudiants et jeunes chercheurs à nous soumettre de nouveaux projets!