Par Giuseppe Loprete
Se rendre en Libye par tous les moyens possibles dans l’espoir de prendre un bateau qui les emmènera vers ce qu’ils croient être l’eldorado européen est le rêve de milliers de migrants venus d’Afrique sub-saharienne.
La route est longue, semée d’embûches et d’actes de violence pour ces milliers de Nigériens, Gambiens, Sénégalais, Maliens, Burkinabés, Ivoiriens et autres ressortissants africains qui empruntent les couloirs de la mort pour traverser le désert nigérien. En 2013, près d’une centaine de migrants avaient été retrouvés morts de soif sur les dunes de sable du Sahara, parmi eux des femmes et des enfants.
90% des boat-people en Méditerranée partent de la Libye (les autres de l’Egypte ou encore de la Turquie). A ce jour, plus de 50 000 personnes ont rejoint les côtes européennes. Malheureusement, plus de 1800 ont trouvé la mort, noyés et portés disparus, parce qu’on les avait entassés comme des sardines dans des bateaux de fortune inaptes à prendre la mer.
Mais nombreux sont ceux qui échouent dans leur voyage, qui rentrent chez eux volontairement ou pas et qui se retrouvent pendant des mois au Niger sans assistance ni ressources pour rentrer dans leur pays d’origine.
J’ai passé plusieurs mois l’année dernière à Agadès au Niger à les interroger, à leur demander pourquoi ils étaient partis ?, dans quelles conditions ?, comment avaient-ils réussi à survivre ?, comment comptaient-ils rentrer chez eux ? etc Leurs histoires étaient bouleversantes.
Moi et mes collègues de l’OIM, nous avons recueilli les témoignages de près de 5000 migrants d’Afrique de l’ouest et d’Afrique centrale dans trois centres de transit et d’assistance pour les migrants, à Dirkou au nord-est du Niger, à Arlit au nord-ouest et à Agadez, le plus grand centre de passage pour les migrants qui partent dans le désert dans l’espoir de rejoindre la Libye ou encore l’Algérie.
Le migrant, qui rentre, volontairement ou non, de ces pays et se retrouve au Niger, est en général un jeune homme entre 15 et 35 ans. Il est souvent marié. De quatre et sept personnes dépendent de ses revenus pour survivre dans son pays d’origine. Au cours de son périple, il a fait face à de nombreuses difficultés : des abus physiques, des menaces d’intervention auprès des autorités, des vols et confiscation de documents d’identité par son employeur ou encore la prise forcée de drogue et autres substances, etc.
Il a passé au moins un an en Libye ou en Algérie où il a vécu d’emplois journaliers temporaires, principalement dans le domaine du bâtiment, mais aussi de mendicité. Il a été docker sur les ports de Tripoli ou de Misrata en Libye. Il a été reconduit aux frontières par les autorités ou est reparti volontairement parce que la vie était trop dure, ou encore parce que la Libye est devenu un pays trop dangereux où règne l’anarchie. Il se retrouve dans un centre de transit de l’OIM au Niger, piégé entre le pays de destination où il n’a pas pu rester et son pays d’origine qu’il a quitté dans l’espoir d’une vie meilleure. Son rêve ? Rentrer chez lui maintenant et se lancer dans des activités agricoles ou lancer un petit commerce.
Mais, ce n’est pas si simple…
Les migrants quittent un pays pauvre parce qu’il n’y a pas d’avenir pour eux et leur famille. Ils savent que le retour ne sera pas facile. Ils arrivent au Niger sans un sous en poche. La très grande majorité des migrants interrogés ne savent que répondre quand on leur demande ce qu’ils vont faire une fois de retour chez eux. Certains disent qu’ils devront emprunter de l’argent.
L’OIM accueille ces migrants dans les centres de transit et leur fourni un hébergement temporaire, de la nourriture, des soins médicaux, du soutien psychologique, des articles non alimentaire de base et fait en sorte que leur retour dans les pays d’origine se fasse dans la dignité et que leur protection et leur sécurité soient assurées.
L’OIM peut dans certains cas fournir une aide financière afin de permettre aux migrants d’exploiter de nouvelles opportunités une fois de retour chez eux. Mais ce n’est malheureusement pas systématique et dépend entièrement de la disponibilité des fonds fournis par les pays donateurs.
Non seulement, les donateurs doivent délier les cordons de leur bourse pour aider ces migrants de retour chez eux - ne serait-ce que pour que la pauvreté, la faim et la misère de ne les poussent pas à nouveau sur la route des couloirs de la mort - mais il faut aussi faire davantage pour informer les migrants. La grande majorité de ceux interrogés n’avaient aucune idée des difficultés qui les attendaient ! Il est urgent de mettre sur pied une grande campagne d’information pour ces personnes désespérées, dans leurs pays d’origine et de transit, sur les dangers qu’elles encourent. Grâce au soutien financier de l’Union européenne, l’OIM a un tel programme au Niger. Mais de tels efforts doivent être multipliés ailleurs, dans d’autres pays d’origine, pour qu’il n’y ait plus d’hécatombe en Méditerranée.