République Démocratique du Congo “La surveillance épidémiologique en République Démocratique du Congo (RDC) est un défi énorme,” observe Pierre Dimany du Programme national d’hygiène aux frontières (PNHF) alors qu’il regarde le fleuve Congo qui relie Kinshasa à l’Equateur, la province où la dernière épidémie de maladie à virus Ebola (MVE) a été déclarée. Le fleuve sépare aussi la RDC de la République du Congo et de la Centrafrique.

Le Ministère de la Santé a déclaré le 24 juillet la fin de l’épidémie, la neuvième en RDC. Cette épisode d’Ebola, déclarée le 8 mai dans le nord-ouest du pays, a tué 33 personnes, pour 54 cas au total. L’OMS a félicité « le pays et toutes celles et ceux impliqués dans la fin de l’épidémie ».

Son directeur, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a entrepris une visite éclair à Kinshasa pour une cérémonie pour marquer la fin de l’épidémie avec les autorités de la RDC.

Le Ministère de la Santé et ses partenaires s’étaient préparés « au pire des scénarios » face à une crise « sans précédent » avec cette épidémie qui a touché l’Equateur, à la frontière du Congo-Brazzaville.

Les épidémies de la MVE en RDC avaient jusqu’ici été limitées aux zones isolées. Cette fois-ci, en plus des villages dans la forêt, la capitale provinciale, Mbandaka, a été touché, avec 4 cas enregistrés.

Le fleuve Congo relie Mbandaka à Kinshasa et ses 12 millions d’habitants.

« A la différence des précédentes épidémies, celle-ci a touché quatre endroits différents, y compris un centre urbain en connexion fluviale avec la capitale et les pays voisins, tout comme des villages isolés dans la forêt équatoriale, » explique-t-on à l’OMS. « Au début la préoccupation était forte que la maladie puisse se répandre dans d’autres endroits de la RDC, et aux pays voisins »

“Nous tous on avait peur,” a avoué Djo Ipaso Yoka, un jeune enseignant recruté pour tenir un poste de contrôle sanitaire sur le parking des motos-taxis à Wendji Secli en périphérie de Mbandaka.

L’épidémie a commencé dans deux zones de santé dans la forêt équatoriale : Bikoro et Iboko. La première victime était une infirmière qui avait soigné une vieille femme qui était sortie malade de la forêt. De là la MVE s’est répandue à Mbandaka.

Villagers wait to be screened on a road leading out of Itipo. Photo: IOM

Les mouvements de population

Les mouvements de population, y compris les mouvements transfrontaliers, ont très rapidement été identifiés comme étant d’une importance primordiale. Dès le 18 mai 2018, dix jours après la déclaration de l’épidémie et deux jours après que le premier cas à Mbandaka se soit déclaré, le PNHF a lancé sa stratégie de lutte contre la MVE aux points d’entrée et autres zones vulnérables à la transmission de la maladie afin d’empêcher la propagation de l’épidémie. Cette stratégie a été élaborée avec le soutien notamment de l’OMS et de l’OIM.

Les points d’entrée et autres zones vulnérables ont été identifiés à travers une série d’exercices de cartographie participative à Bikoro et Mbandaka. Les partenaires ont travaillé avec des personnes identifiées localement comme étant des informateurs clés pour identifier les points de passage et de rassemblement des voyageurs. Il s’agit en général de ports, de marchés, d’églises et de parking de taxi-motos.

“Le but de cet exercice est de permettre aux parties prenantes de cibler au mieux la riposte contre la MVE et ainsi obtenir le plus d’impacts possibles. Cela présente aussi l’avantage d’impliquer la population locale dans la riposte car la cartographie est réalisée sur la base des indications de la population des endroits où les gens se rassemblent ou par où ils passent,” a expliqué Jean-Philippe Chauzy, chef de mission de l’OIM en RDC.

Aux points d’entrées, l’OIM continue à effectuer et renforcer des activités de surveillance en conjonction avec la sensibilisation aux risques de la MVE et la promotion du lavage des mains. Aux points les plus fréquentés, l’agence recueille aussi des informations sur les déplacements.

Les stations de surveillance consistent parfois en une hutte faite de bambou, parfois d’une simple table en plastique surmontée d’un parasol. La route est barrée soit par une tige de bambou soit par une liane.

La procédure est toujours la même : la personne qui se présente au poste de contrôle se lave les mains avec une solution de chlore et un agent de santé lui prend la température avec un thermo flash avant de noter les informations dans un cahier. Un superviseur collecte et compile les données. Tout cas suspect, tel que quelqu’un qui vomit ou dont la température s’élève à 38°C ou plus, est isolé et l’équipe d’intervention est appelée pour le conduire au centre de traitement.

A boy washes his hands at the Itipo-Iboko Point of Entry. Photo: IOM

Réticence à se laver les mains

En réalité, pour des raisons d’ordre pratique et culturel, les mesures de surveillance et d’hygiène s’avèrent parfois difficiles à imposer, en particulier chez des gens qui passent par un point d’entrée plusieurs fois dans la journée.

A un point d’entrée sur une route qui mène vers Itipo, une jeune femme dont le corps et le visage sont enduits de fard d’un rouge vif passe en courant, jette un coup d’œil rapide au dispositif de lavage de mains et continue son chemin.

Un agent de santé en gilet fluo hausse les épaules et explique qu’il s’agit d’une « Walé », une jeune femme qui allaite son premier enfant et qui observe une période de réclusion dans la forêt. Il lui est interdit de se laver, ne serait-ce que les mains, ailleurs que chez elle, explique-t-il.

Le groupe qui suit se lave les mains sans protester mais en grimaçant à l’odeur du chlore. Très souvent en RDC les gens se lavent les mains essentiellement avant de manger. Les agents de santé doivent parfois recourir au stratagème de proposer du savon liquide en même temps que l’eau chlorée dans l’espoir de masquer l’odeur du chlore.

Une étude menée au mois de juin par la socio-anthropologue Julienne Anoko a conclu que parmi les personnes interrogées, certaines étaient persuadées que l’eau chlorée “est un stratagème mis en place pour transmettre le virus et ainsi propager la maladie”.

Toujours selon cette étude, d’autres croient que le thermo flash utilisé, que l’on pose à proximité de la tempe de la personne dont on prend la température, servirait à lui soutirer une partie de son énergie vitale.

D’autres encore accusent les agents qui tiennent les postes de contrôle de “s’enrichir” grâce à la MVE alors qu’eux subissent les inconvénients de devoir continuellement se désinfecter les mains.

Enfin, certaines personnes mettent en doute l’existence même de la MVE en se basant sur l’argument que même avant le début de l’épidémie les gens mouraient de symptômes tels que des vomissements.

A health worker at Kinshasa's N'djili airport disinfects a plane arriving from Mbandaka. Photo: IOM

La prochaine étape

Suite à l’annonce de la fin de l’épidémie de la MVE, le Ministère de la Santé et ses partenaires, dont l’OIM, vont mettre en œuvre des activités de consolidation et de stabilisation. Cette étape couvrira la période d’août à octobre.

La troisième étape, de novembre jusqu’en décembre 2020, visera à accroitre la résilience.

Le but de ces étapes est de consolider les acquis de la riposte à Ebola et maintenir une vigilance accrue, tirer les leçons et identifier les bonnes pratiques pour le futur et contribuer à accroitre la résilience du système de santé.

Les partenaires vont maintenir et renforcer la surveillance pour détecter et répondre rapidement à un nouveau cas potentiel, y compris dans les provinces et pays voisins.
Ils vont assurer des services de santé pour la prise en charge clinique des personnes guéries d’Ebola ainsi qu’une prise en charge psychosociale des personnes guéries ainsi que des familles des personnes atteintes ; le but étant d’éviter la stigmatisation.

Les partenaires vont également renforcer la prévention et le contrôle des infections dans les structures de santé ciblées et dans la communauté. Ils consolideront aussi les réseaux communautaires pour améliorer les connaissances et les actions communautaires en ce qui concerne Ebola et d’autres maladies contagieuses. Ils vont œuvrer pour maintenir une capacité au niveau national et local de laboratoires pour pouvoir détecter d’éventuels cas nouveaux.

De même, l’ensemble des partenaires va préparer et mener une revue après action et assurer le transfert des ressources et de connaissances pour accroître la résilience. Ils vont également finaliser le plan national de sécurité sanitaire et élaborer un plan de résilience.

A UN helicopter on the ground in Iboko, DR Congo. Photo: IOM

Dans les zones de santé affectées par l’Ebola, ils travailleront pour améliorer la sécurité alimentaire et créer une plateforme logistique pour faciliter la préparation d’une riposte à une éventuelle épidémie à venir.

« Les efforts déployés dans la phase de stabilisation sont tout aussi importants, » a déclaré Aki Yoshino, coordinatrice du Programme Migration et Santé à l’OIM en RDC. « Si nous voulons accroître cette résilience, il est essentiel de réfléchir aux leçons à tirer de la riposte initiale et de renforcer encore plus la capacité de réaction. »

Afin de satisfaire aux dispositions du Règlement sanitaire international (RSI), l’OIM continuera à se concerter avec le Ministère de la Santé et l’OMS pour la mise en place d’une stratégie adaptée. L’Organisation appuiera la mise en œuvre de cette stratégie à la fois au niveau local et au niveau national afin d’accroître la capacité RSI aux points d’entrée.

« Dans les mois à venir, l’OIM va aussi appuyer le Ministère de la Santé en ce qui concerne la coordination des activités transfrontalières avec la République Centrafricaine et la République du Congo, afin de renforcer le partage d’informations et la capacité de réagir et de gérer les mouvements transfrontaliers en cas d’une situation d’urgence sanitaire, » ajoute Mme Yoshino.

L’OIM a besoin de 4,5 millions de dollars pour poursuivre et élargir son travail dans la lutte contre l’Ebola. A ce jour, l’Organisation a réuni un peu plus que la moitié de cette somme, grâce aux contributions suivantes : 1 million de dollars du Gouvernement du Japon, 0,8 million de dollars de l’OMS et 0,5 million d’euros d’ECHO.