Alors que nous nous préparons à l'une des plus grandes opérations de vaccination au monde, et à l'occasion de la Journée internationale des migrants, nous en arrivons à un constat critique : la nécessité d'adopter des approches inclusives dans notre réflexion et nos pratiques en matière de santé n'a jamais été aussi urgente.
Dans l'intérêt de tous, nous devons veiller à ce que les plus vulnérables - notamment les migrants, les réfugiés, les demandeurs d'asile, les déplacés internes et les personnes en situation de déplacement - ne soient pas laissés pour compte dans nos efforts mondiaux de lutte contre la COVID-19 et d'autres maladies.
Même un an après le début de la crise, la pandémie continue de causer d'énormes souffrances, et ce sont trop souvent ceux qui ont le plus besoin de soutien, de protection et d'aide qui y ont le moins accès.
Actuellement, l'OIM estime à près de 272 millions le nombre de migrants internationaux, en plus des 80 millions de personnes déplacées de force, dont plus des deux tiers sont déplacées à l'intérieur des frontières de leur propre pays en raison de conflits ou de catastrophes naturelles. Contrairement à la rhétorique politique, la plupart de ces personnes déplacées de force vivent dans des pays à faible ou moyen revenu, qui ont souvent des systèmes de santé plus faibles et ont déjà du mal à répondre aux besoins sanitaires de leur propre population.
La liste des difficultés auxquelles les migrants et les personnes déplacées de force sont confrontés dans le monde entier reste bien trop longue : l'exclusion des services de santé a pour cause les exigences légales, les barrières linguistiques, les coûts prohibitifs et d'autres facteurs. Nous en avons été témoins à maintes reprises récemment avec le test de la COVID-19 et le manque d'accès aux services de santé essentiels. Cela s'ajoute aux circonstances souvent dangereuses auxquelles les populations mobiles sont confrontées avant, pendant et après leur périple, ce qui les expose souvent à un risque plus élevé de maladie. Elles peuvent par exemple vivre ou travailler dans des conditions de surpeuplement et de danger, avoir un accès limité à l'eau potable et aux installations sanitaires, ou être confrontées à l’interruption des soins en raison de leur déplacement.
Cette année, nous avons appris à nos dépens que la santé de personne n'est protégée tant que la santé de tous n'est pas protégée, et que lorsque nous ne protégeons pas la santé de tous, cela peut avoir des conséquences graves et dévastatrices sur tous les aspects de nos sociétés, notamment notre tissu social, économique et culturel. Les migrants ont été particulièrement touchés par cette crise de santé publique et ses conséquences.
Ils ont également été en première ligne de la réponse à la pandémie, prenant des risques personnels pour le bien-être tous, dans de nombreux secteurs essentiels : santé, alimentation, transport, recherche, hygiène, etc. Dans la plupart des pays à revenu élevé, les migrants représentent une grande partie des travailleurs sanitaires ; par exemple, aux États-Unis, plus d'un médecin et chirurgien sur quatre est né à
l'étranger et l'OCDE rapporte qu'au cours de la dernière décennie, le nombre de médecins et de personnel infirmier nés à l'étranger a augmenté de 20 pour cent dans la région.
Alors que l'OIM se tient prête à soutenir les autorités nationales et d'autres organisations internationales dans le déploiement d'un vaccin contre la COVID-19, nous appelons les gouvernements à recenser et à inclure tous les migrants présents sur leur territoire - quel que soit leur statut juridique - dans leurs considérations relatives à la distribution du vaccin. La priorité étant donnée aux travailleurs sanitaires de première ligne, n'oublions pas les innombrables travailleurs sanitaires migrants de première ligne. Tout comme les personnes âgées sont prioritaires, les migrants âgés doivent l'être aussi. Et ainsi de suite.
L'année à venir et les nouveaux outils disponibles pour lutter contre la COVID-19 sont l'occasion pour les migrants et pour tout le monde, partout, de faire mieux. Alors que les pays s'apprêtent à lancer des campagnes de vaccination de masse, rappelons les principes de la couverture sanitaire universelle, le devoir de suivre un processus de répartition équitable et de ne laisser personne de côté. Les décisions doivent être prises sur la base de motifs de santé publique solides et fondés sur des données probantes, conformément aux recommandations internationales en matière de hiérarchisation des priorités.
L'OIM est honorée de s'associer à Gavi, l'Alliance du Vaccin, et se réjouit de travailler en étroite collaboration avec le système des Nations Unies, les partenaires humanitaires et le pilier COVAX, afin de garantir que les plans d'allocation de vaccins tiennent compte des migrants, y compris des personnes déplacées de force dans des endroits difficiles d'accès et dans des situations d'urgence. Les équipes sanitaires de l'Organisation ont une grande expérience dans la réalisation de campagnes de vaccination de masse en réponse à des épidémies ainsi que dans les activités de vaccination de routine, pour les migrants et les populations déplacées, en collaboration avec des partenaires clés, dont Gavi, avec qui un protocole d'accord essentiel a été signé le 24 novembre 2020.
Aujourd'hui plus que jamais, la justice, l'équité et l'inclusion pourraient sauver des milliers et des milliers de vies.