Genève – Alors que de nouvelles méthodes de collecte de données ne cessent de se développer, les acteurs humanitaires doivent améliorer les pratiques éthiques et opérationnelles en matière de données pour les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. Dans le cadre d'un projet de recherche conjoint sur les données et le déplacement, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et des chercheurs des universités de Warwick, Juba et Ibadan ont examiné l'impact de la collecte de données et de l'aide aux déplacés dans le nord-est du Nigéria et au Soudan du Sud.
Pendant deux ans, l'équipe de recherche a mené 174 entretiens approfondis auprès d’un éventail de parties prenantes, notamment des experts internationaux en matière de données, des donateurs et des professionnels de l'aide humanitaire, ainsi que des acteurs humanitaires régionaux et des déplacés internes vivant dans des camps au nord-est du Nigeria et au Soudan sud.
Actuellement, il semble parfois y avoir une déconnexion entre les pratiques dans les contextes de déplacement et les normes, principes et directives humanitaires internationales qui ont été élaborés. Certains de ces problèmes sont liés à des difficultés opérationnelles sur le terrain, à la coordination des données et, dans une certaine mesure, à des questions éthiques concernant l'obtention du consentement éclairé des déplacés.
Si ce projet met en lumière les nombreuses façons dont les acteurs humanitaires reconnaissent certaines de ces difficultés et y sont attentifs, les résultats soulignent également les exigences de la « révolution des données » sur la vie des déplacés internes et les pratiques quotidiennes des parties prenantes dans les sites de déplacement.
Parmi les conclusions, la recherche recommande de recueillir les avis des communautés déplacées non seulement pour établir la confiance et favoriser la volonté des déplacés internes de participer aux processus de collecte de données, mais aussi pour répondre à certaines de leurs frustrations.
« Les humanitaires transmettent les informations au bailleur de fonds, mais ils ne nous font pas de retour et ne nous expliquent pas ce qu'il advient des données que nous avons fournies », a déclaré une personne déplacée du Soudan du Sud interrogée dans le cadre de l'étude.
Le nord-est du Nigeria et le Soudan du Sud connaissent des déplacements internes prolongés depuis plus de dix ans. Dans le nord-est du Nigéria, 3,2 millions de déplacés internes restent déplacés par le conflit en cours entre l'armée nigériane et des groupes armés non étatiques, laissant plus de 8,4 personnes dans le besoin d'une aide humanitaire. Au Soudan du Sud, 1,4 million de personnes étaient déplacées à l'intérieur du pays fin 2021, tandis que la crise humanitaire fait rage dans le pays.
Pour résoudre les divers problèmes opérationnels et éthiques identifiés par le projet sur les données et le déplacement, il convient d'allouer davantage d'attention et de ressources à la formation, à l'éducation et à la participation significative des communautés et des parties prenantes concernées dans la collecte, la gestion et l'utilisation des données humanitaires.
L'autrice et chercheuse principal du projet, Vicki Squire, professeure à l'Université de Warwick, note que cette recherche « souligne l'importance pour les personnes déplacées de comprendre pourquoi leurs données sont recueillies, comment elles sont utilisées et quels sont leurs droits durant toutes les phases du ‘parcours des données’ ».
Ce projet de recherche conjoint professionnel-universitaire est une collaboration multidisciplinaire unique, alliant l'expertise universitaire à l'expertise opérationnelle des professionnels humanitaires de la Matrice du suivi des déplacements (DTM) de l'OIM. Les résultats de l'étude fournissent de nouvelles informations importantes sur les expériences vécues de collecte et d'utilisation des données des déplacés internes dans le nord-est du Nigéria et le Sud-Soudan, ainsi que sur les perspectives des acteurs humanitaires et régionaux concernant les défis de l'humanitarisme axé sur les données.
Pour en savoir plus sur le projet de recherche, rendez-vous sur le site Data and Displacement et téléchargez le rapport du projet (en anglais).
Cette recherche est financée par le Conseil de la Recherche en Arts et Sciences Humaines du Royaume-Uni (AHRC) et le Bureau des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement (FCDO).
Coauteurs :
Robert Trigwell, coordonnateur principal des données humanitaires, OIM DTM, Tél : +447800579404, Courriel : rtrigwell@iom.int
Prithvi Hirani, Responsable du programme de données humanitaires, OIM DTM, Tél : +447413951236, Courriel : phirani@iom.int