L'évolution de la lutte contre la traite au Burundi : Un changement prometteur soutenu par l'OIM

Une survivante de la traite forme des apprentis dans son atelier de couture. Elle a eu l’opportunité de créer une activité génératrice de revenu dans le cadre de l’aide à la réintégration offerte par l’OIM. Photo : OIM

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  • Sam Whitlow | OIM Burundi, Equipe de protection et d'aide aux migrants

Genève – Chaque victime de traite des êtres humains compte. Le thème de la Journée mondiale de la lutte contre la traite des êtres humains de cette année trouve un écho avec l'approche inclusive du Plan d'action national de lutte contre la traite du Gouvernement de la République du Burundi, qui vient d'être lancé à Bujumbura. Ce plan quinquennal, élaboré avec le soutien de l'OIM au Burundi, vise précisément à atteindre chaque victime de traite grâce à une identification renforcée, à une assistance et une protection adaptées, ainsi qu’à une sensibilisation de la communauté, dans tout le pays. 

La traite des êtres humains est un crime transnational et une grave violation des droits de l'homme à grande échelle, qui sévit aussi bien dans les régions pacifiques que dans les zones de conflit et de catastrophe. Le Burundi n'est pas épargné ; c'est un pays d'origine, de transit et, dans certains cas, de destination pour les victimes. Les trafiquants s'attaquent aux plus vulnérables en leur faisant miroiter un avenir meilleur. Au Burundi, les vulnérabilités sont exacerbées par les urgences climatiques récurrentes qui touchent le pays, en particulier les catastrophes soudaines telles que les inondations et les glissements de terrain qui entraînent des déplacements, de la pauvreté et un manque d'opportunités de travail, en particulier dans les provinces les plus pauvres et les plus rurales. Les liens entre les déplacements, les changements climatiques et le risque accru de traite - en particulier pour les femmes et les enfants - sont de plus en plus reconnus, comme l'ont souligné la Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains et le Département d'État américain dans son analyse du Burundi dans le rapport sur la traite 2023.  

Depuis 2010, l'OIM œuvre en vue de renforcer les capacités du gouvernement à mieux traiter et règlementer de nombreux défis migratoires, y compris la traite des personnes, conformément au dixième objectif du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières et à la cible 8.7 des Objectifs de développement durable à l'horizon 2030. L'OIM au Burundi fournit simultanément une assistance directe aux victimes de traite au Burundi par le biais de services de protection, d'efforts de réintégration et de mesures de prévention au niveau communautaire.   

Dresser un portrait clair de la prévalence de la traite des êtres humains au Burundi est difficile en raison de la nature criminelle du phénomène ; pourtant, ce contexte est extrêmement important pour développer une réponse adaptée. Sur la base des statistiques de l'OIM au Burundi entre juin 2021 et juin 2023, 85 pour cent des 1 160 victimes de traite présumées identifiées par l'OIM étaient des femmes ou des filles. Les femmes monoparentales étaient le groupe démographique le plus ciblé et les résultats suggèrent qu'environ la moitié de toutes les victimes ont subi des violences fondées sur le genre avant ou pendant l'exploitation, conformément aux tendances mondiales. La traite transfrontalière s'avérait être la principale forme de traite, avec 20 pour cent de victimes exploitées à l'étranger vers des pays régionaux et 66 pour cent vers des pays du Golfe, par rapport aux 14 pour cent de victimes exploitées à l'intérieur du Burundi. Les victimes soutenues par l'OIM au Burundi ont déclaré avoir été soumises principalement au travail forcé et à des pratiques analogues à l'esclavage, ainsi qu'à des mariages imposés ou à la servitude sexuelle.      

Pour faire face à ce crime, le gouvernement a amélioré ses efforts pour lutter contre la traite des personnes au cours des dernières années, conduisant à des progrès significatifs alignés sur les quatre piliers qui sous-tendent ses interventions de lutte contre la traite : la prévention, la protection, les poursuites et le partenariat. En 2012, le gouvernement a ratifié le protocole de Palerme, rejoignant ainsi 147 autres signataires. Les poursuites au Burundi ont depuis évolué vers des fondements plus législatifs ; une nouvelle législation contre la traite a été introduite en 2014 et l'intégration de ses mesures punitives dans le code pénal officiel a suivi en 2017. Le gouvernement et l'OIM ont ensuite travaillé ensemble pour traduire la loi en kirundi, supprimant ainsi une barrière linguistique restrictive et permettant à davantage de citoyens d'accéder à ces informations essentielles. Pour renforcer davantage l'efficacité de la loi, tous les magistrats des tribunaux supérieurs ont reçu une formation de sensibilisation aux mesures juridiques pertinentes en matière de lutte contre la traite en 2023.  

La création en 2022 de la Commission nationale de concertation et de suivi pour la prévention et la répression de la traite des personnes, sous l'égide du Bureau du Premier ministre, a remplacé un comité ad hoc et joue désormais un rôle majeur dans les efforts de lutte contre la traite au Burundi. La Commission nationale se réunit tous les mois avec l'OIM et d'autres partenaires pour évaluer les objectifs, les résultats et les besoins. Des protocoles essentiels de lutte contre la traite ont été élaborés, entre autres, les procédures opérationnelles standard pour lutter contre la traite (lancées en février 2023) et le Plan d'action national de lutte contre la traite 2023-2027 (lancé en juillet 2023). La Commission nationale et l'OIM sont également soutenues par une base croissante de points focaux communautaires ayant pour mandat l'identification et l'orientation vers les services des victimes de la traite ; ces types de réseaux s'attaquent aux flux de traite locaux et veillent à ce que personne ne soit laissé pour compte.   

L'OIM a également facilité la collaboration et les échanges internationaux, notamment par des visites entre les gouvernements de la République-Unie de Tanzanie en 2018 et de la République de Tunisie en 2019 et 2022, permettant une communication approfondie sur les meilleures pratiques et les recommandations en vue de la lutte contre la traite des êtres humains.

Un membre de la délégation tunisienne de la lutte contre la traite se rend dans un abri temporaire accueillant des victimes de traite orientées par l’OIM et d’autres organisations vers leur partenaire local dans la province de Muyinga, au Burundi. Photo : OIM Burundi 2022/Triffin Ntore

Les résultats induits par ces efforts sont reflétés par les récentes mises à niveau du Burundi dans le rapport sur la traite des personnes du Département d'État américain. Après avoir été classé au niveau 3 pendant 10 ans, le pays est passé au niveau 2 de la liste de surveillance (« Watch List ») en 2021. En 2022, le Burundi a reçu un classement officiel de niveau 2 et a maintenu cette position dans le rapport 2023, figurant désormais parmi les pays les plus avancés de la région en matière de lutte contre la traite.   

Toutefois, il reste des défis à relever pour maintenir cette évolution prometteuse. Le colonel Epitace Masumbuko, président de la Commission nationale, reconnaît les progrès réalisés par son pays, notamment le lancement du Plan d'action national, qui guidera tous les acteurs sur les mesures concrètes à prendre pour lutter efficacement contre le traite des êtres humains, mais souligne la nécessité de viser plus haut. Il fait remarquer qu'à l'avenir, la coopération avec les institutions régionales doit être renforcée afin d'intensifier la lutte contre ce crime brutal. Dans son appel à la création de partenariats pour ce noble combat, il souligne que l'élimination de la traite requiert de véritables efforts de toutes les parties prenantes. Outre la nécessité de renforcer la collaboration entre les acteurs transfrontaliers et les institutions pour améliorer le partenariat, des pistes d'amélioration peuvent être trouvées dans chaque pilier, parallèlement aux recommandations formulées dans le rapport 2023 des Etats-Unis sur la traite. Les différents défis sont étayés par la nécessité d'identifier avec précision chaque victime, un processus qui exigera du Burundi qu'il élargisse les perspectives de cette réussite en matière de collecte et de normalisation des données. La prévention doit être soutenue par le développement et l'expansion de campagnes de sensibilisation sur le terrain, en particulier dans les communautés rurales ou frontalières. Une augmentation continue du nombre de formations pour les responsables de l'application des lois est essentielle pour soutenir les efforts de poursuite, en garantissant l'application effective des sanctions et l'accès à la justice pour les victimes. Les capacités de protection pourraient être renforcées en établissant davantage de centres d'assistance dédiés aux victimes de traite, semblables à ceux qui existent déjà pour les victimes de violence fondée sur le genre au Burundi. Le renforcement continu des capacités des points focaux et des moyens sont essentiels pour soutenir les victimes dans leur réintégration et pour empêcher que les victimes potentielles ne tombent dans les filets des trafiquants.  

SDG 3 - BONNE SANTÉ ET BIEN-ÊTRE
SDG 10 - INÉGALITÉS RÉDUITES
SDG 16 - PAIX, JUSTICE ET INSTITUTIONS EFFICACES