Survivantes, sauveuses, leaders et non victimes : la lutte contre la violence fondée sur le genre en Iraq

La Police de proximité iraquienne recrute activement davantage d’agents de police de sexe féminin. ©IOM 2022/Anjam Rasool.  

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  • Sarah Gold | OIM Iraq

Iraq, 23 novembre 2023 – Ces dernières années, la violence contre les femmes et les filles a connu une forte augmentation - environ une femme sur trois dans le monde subira des violences physiques et sexuelles au cours de sa vie. Cette statistique, aussi terrible soit elle, ne tient malheureusement pas compte des autres formes de violence qui ne sont souvent pas signalées : les violences verbales, psychologiques et économiques. 

En Iraq, près d’un million de femmes et de filles sont exposées à une forme ou une autre de violence fondée sur le genre. Environ 26 pour cent des femmes iraquiennes signalent avoir déjà subi des violences aux mains d’un partenaire intime - et les experts iraquiens affirment que de nombreux cas ne sont pas signalés. 

« Nous sommes face à un gros problème de violences domestiques non signalées », déclare le Lieutenant-Colonel Mina Reed, Officière de la Division de la Police de proximité de Bagdad. « Parmi les femmes qui font un signalement, la plupart demandent l’aide des personnels féminins plutôt que masculins. » 

Les femmes et les filles ne sont pas seulement des victimes. Elles jouent un rôle essentiel dans la prévention et la réponse à la violence. La police de proximité en Iraq encourage par exemple le partenariat entre le public et la police pour gérer la sécurité et la sûreté en fonction des besoins communautaires. Les officiers de police de proximité ne sont pas armés, proviennent des communautés qu’ils desservent et mènent une action de proximité intensive pour accroître leur visibilité et leur accessibilité. 

Sara Kadhum, policière de proximité qui travaille au Centre stratégique du Département de la Police de proximité de Bagdad. Photo : OIM 2023/Rafal Abdulateef

« Il est absolument nécessaire pour les femmes d’occuper des postes d’officiers de police de proximité », déclare Sara Kadhum, qui travaille au Centre stratégique du Département de la police de proximité de Bagdad. « Notre participation permet aux femmes de s’exprimer plus librement : une femme maltraitée se sent plus à l’aise de signaler le problème à une autre femme que de partager ces informations avec un homme », confie-t-elle. La police de proximité est destinée à rétablir la confiance entre le public et les institutions du maintien de l’ordre, ce qui n’est possible que par l’inclusion et le soutien des femmes.  

Dans les sociétés conservatrices comme en Iraq, la présence de femmes dans les espaces publics avec des hommes inconnus est souvent mal perçue. Suad dirige l’équipe juridique de l’OIM dans le district de Tel Afar, à Ninive, où elle propose des services gratuits de consultations juridiques, de représentation, de sensibilisation et autres, au sein des communautés touchées par le déplacement. Selon elle, la société iraquienne ne voit pas d’un bon œil l’idée qu’une femme rencontre un homme et partage ses problèmes avec lui. Cela souligne l’importance de la participation des femmes dans la police de proximité.  

L’équipe juridique de l’OIM en Iraq présente les résultats d’une récente évaluation des besoins et demande instamment que des mesures soient prises pour rétablir les documents civils. Photo : OIM 2023/Sarah Gold 

L’absence de documents juridiques aggrave la vulnérabilité des femmes. Sans documents valables, les femmes sont exposées au contrôle économique par leur partenaire ou par des membres de leur famille. Ayat, avocate auprès de l’équipe juridique de l’OIM, fait remarquer que « sans certificat de mariage, les femmes ne peuvent pas obtenir de documents juridiques pour leurs enfants, qui ne peuvent pas aller à l’école. » 

Sans documents juridiques, les avoirs financiers des femmes peuvent être gérés ou saisis par leur partenaire ou des membres de leur famille, ce qui les soumet au contrôle économique par d’autres personnes. Elles peuvent se voir refuser leur propriété et l’accès à des possibilités de moyens de subsistance, les privant de leurs propres maison et terrain et les rendant plus vulnérables à l’exploitation si elles tentent de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Cette violence ne touche pas seulement les femmes elles-mêmes mais également leur famille, en particulier leurs enfants.  

L’équipe juridique de l’OIM en Iraq continue de fournir un soutien aux femmes et à leurs enfants. Photo : OIM 2023/Sarah Gold

« Les femmes que nous aidons sont tellement soulagées quand elles peuvent partager leurs histoires avec une avocate », ajoute Ayat. « Certains cas sont si sensibles que les femmes ne peuvent pas partager les détails confortablement ou explicitement avec un homme. » 

Pouvoir communiquer librement, sans hésitation ni jugement, est impératif pour constituer un dossier juridique solide et se pourvoir en justice. Non seulement de nombreuses femmes se sentent plus à l’aise de travailler avec une avocate mais elles ne se sentent également plus seules. Elles se sentent renforcées par la solidarité et encouragées par l’exemple, ce qui leur donne plus de courage pour faire valoir leurs droits.  

« J’ai été la première femme avocate à Zummer et Rabia. Il n’y avait pas de femmes avocates avant », explique Suad. « Après moi, cinq avocates ont rejoint le tribunal. » 

Le leadership des femmes se développe également au sein de la société civile iraquienne, en particulier lorsqu’il s’agit de protéger les femmes et les filles de la violence. 

« Les femmes ont la volonté de changer les choses », déclare Kawthar Al Mahamdi, Présidente de la Soqya Foundation for Relief and Developement, basée dans le district de Falloujah, à Anbar, et soutenue par l’OIM par le biais du Fonds WASL de la société civile. 

« Toutefois, en raison de la marginalisation à laquelle nous sommes confrontées - en particulier les femmes victimes des groupes armés - nous portons souvent le poids des erreurs des autres, faisant de nous des outils pour attiser le conflit », ajoute-t-elle. La Fondation soutient l’autonomisation économique grâce à des formations axées sur les compétences et le renforcement des capacités afin de leur permettre d’entrer dans les industries locales et de bénéficier d’un soutien psychologique et social.  

Dalia Al Mimari, de la Fondation Human Line soutenue par l’OIM WASL, une organisation de la société civile dirigée par une femme et centrée sur les femmes, basée à Mossoul, a souligné que toutes les femmes ont le droit de vivre sans craindre la violence. 

Sa Fondation fournit des services juridiques, psychologiques et économiques aux femmes victimes de guerre et s’efforce également de leur permettre de participer de manière effective dans les domaines politiques, économiques, sociaux et culturels.  

Alors que nous commémorons les 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le genre, ne condamnons pas seulement les violences faites aux femmes mais célébrons et soutenons également les femmes qui travaillent sans relâche pour prévenir toutes les formes de violence et y faire face. Leur leadership n’est pas seulement bénéfique, il est essentiel. Sour leur direction, nous pouvons aspirer à un monde où à toutes les femmes et les filles vivent à l’abri de la violence. Ce sont les femmes qui ouvriront la voie.  

SDG 3 - BONNE SANTÉ ET BIEN-ÊTRE
SDG 5 - ÉGALITÉ ENTRE LES SEXES
SDG 10 - INÉGALITÉS RÉDUITES
SDG 16 - PAIX, JUSTICE ET INSTITUTIONS EFFICACES