Trois défis en matière de protection des données et de la vie privée

Genève – Dans notre ère de révolution des données, de big data et d'intelligence artificielle, il est largement admis que la collecte et la diffusion de données migratoires peuvent apporter de nombreux avantages. Toutefois, les considérations relatives à la vie privée et à la protection des données doivent être au centre de toutes les discussions sur les données, car les risques associés au traitement des données peuvent être importants pour les personnes dont les données personnelles sont traitées. Il est primordial de respecter et de garantir la dignité humaine et le droit à la vie privée des individus, un droit fondamental qui n'est pas limité aux ressortissants d'un pays ni aux personnes ayant un statut migratoire spécifique.

La protection des données est l'application systématique d'un ensemble de garanties institutionnelles, techniques et physiques qui préservent le droit à la vie privée s’agissant de la collecte, du stockage, de l'utilisation, de la divulgation et de tout autre type de traitement des données personnelles[1]. La protection des données personnelles des migrants en particulier est d'une importance fondamentale car elle fait partie intégrante de la protection de la vie, de l'intégrité et de la dignité humaine des migrants.

Tout d'abord, de nombreux défis dans le domaine de la protection de la vie privée et des données découlent du rythme rapide des avancées technologiques. De nos jours, la technologie facilite la vie quotidienne des gens, mais elle conduit également à la collecte et au traitement de grandes quantités de données personnelles en peu de temps. Par exemple, les progrès de la technologie de l'Internet des objets permettent aujourd'hui aux individus de surveiller et de suivre leur activité physique avec des appareils de fitness portables, d'allumer le chauffage ou l'électricité avant d'arriver chez eux ou même de déverrouiller à distance leur porte pour les visiteurs s'ils ne sont pas chez eux.

Cela conduit à un deuxième type de défis qui est lié au fait que la technologie évolue plus vite que la loi. Même si de nombreux États ont mis en place une législation sur la protection des données, certaines d'entre elles ne sont pas suffisamment actualisées pour tenir compte des avancées technologiques. Créer une législation pour les nouvelles technologies n'est en aucun cas une tâche facile. Les vides juridiques sont évidents, par exemple, dans le cas des voitures à conduite autonome, car la plupart des lois ne disent pas s'il est nécessaire qu'un être humain conduise une voiture.

Troisièmement, des défis supplémentaires découlent de l'éthique des données, qui vont au-delà du respect des lois. Dans le monde numérique d'aujourd'hui axé sur les données, le respect de la loi n'est pas considéré comme suffisant ; la dimension éthique du traitement des données doit être prise en compte[2]. Les problèmes éthiques concernant les données concerneraient, par exemple, les biais algorithmiques qui pourraient conduire à la discrimination et perpétuer des préjugés sociaux et culturels préexistants. La prise de décision automatisée fait aujourd'hui partie de nombreux systèmes nationaux d'immigration, des mécanismes de prévision policière sont mis en place pour des raisons de sécurité et plusieurs logiciels de reconnaissance biométrique sont utilisés aux points de passage des frontières. D'un point de vue éthique, il est crucial que toutes ces initiatives reposent non seulement sur des régimes juridiques solides, mais qu'elles soient justes, transparentes et impartiales.

Pour conclure, malgré l'intensification des efforts de réglementation dans le monde, il reste beaucoup à faire. Les États sont encouragés à ratifier la Convention 108, s'ils ne l'ont pas encore fait, pour démontrer, dans un premier temps, leur engagement envers des normes solides de protection de la vie privée et des données. L'adoption d'une législation nationale complète sur la protection des données ainsi que la création d'une autorité indépendante de protection des données supervisant la mise en œuvre de cette législation sont également cruciales pour garantir la protection des données personnelles de toutes les personnes, y compris les migrants présents sur le territoire de l'État.

En fin de compte, il convient de souligner que la dignité humaine du migrant est au cœur de la protection des données et de la vie privée et que celles-ci sont intimement liées au droit des migrants à une vie privée, à être autonomes et à contrôler leurs données personnelles. La sauvegarde de la vie privée et la protection des données des migrants n'est pas un problème à cet égard, mais une partie de la solution.

 

Pour en savoir plus sur la migration et la protection des données, cliquez ici : https://www.migrationdataportal.org/themes/migration-and-data-protection


[1] Adapté du Manuel de protection des données de l’OIM, Organisation internationale pour les migrations, 2010, disponible ici : http://publications.iom.int/system/files/pdf/iomdataprotection_web.pdf (dernier accès le 18 janvier 2022).

[2] Contrôleur européen de la protection des données (CEPD). Avis 4/2015, Vers une nouvelle éthique numérique, 11 septembre 2014, page 4, disponible ici : https://edps.europa.eu/sites/edp/files/publication/15-09-11_data_ethics_fr.pdf (dernier accès le 18 janvier 2022).